Jules César Houel (1818-1876), le commanditaire des plans de la ferme, est issu d’une famille de commerçants d’Alençon. Son père, Joseph Houel, épicier est installé rue aux Sieurs jusqu’en 1840. Après un cursus à l’école des Arts et Métiers d’Angers en 1836 (2e de sa promotion), il est embauché d’abord comme ouvrier ajusteur dans les ateliers Saunier à Paris, puis comme dessinateur dans la Société Derosne-Cail (spécialisée dans le perfectionnement des appareils distillatoires et sucriers, les locomotives dont la Crampton) à Chaillot. Il gravit les échelons à l’intérieur de l’entreprise, et devient ingénieur civil de 1842 à 1868. Ensuite, il est associé à la gérance de la société Parent Schaken, Caillet et Cail. A sa mort en 1876, on le retrouve administrateur délégué de la société Fives-Lille dont il a été l’un des fondateurs.

A partir de 1858, il commence à acheter des terres dans la plaine d’Alençon, dans la commune de Radon (232 hectares d’un seul tenant, ancienne seigneurie d’Avoise). Son projet d’installer une ferme distillerie à partir de la betterave sucrière pour produire de l’alcool à 90 °, voit le jour. Il se construit et se perfectionne d’année en année. Son objet est à la fois agricole et industriel. Il consiste à cultiver la betterave à la belle saison et à la distiller pour produire de l’alcool à 90 ° selon le modèle dit « Champonnois », l’hiver.

L’ingénieur obtient l’autorisation de fonctionner en octobre 1859, mais la ferme n’est pas totalement achevée. Il achète peu à peu des parcelles aux petits agriculteurs locaux, mais procède aussi à des échanges de parcelles et rassemble jusqu’à 362 hectares, 10 ans plus tard. Un gros travail de drainage et d’amendement des sols est alors réalisé. Il fait dresser les plans de chaque parcelle concernée par ces travaux. L’activité agricole d’Avoise comprend la culture du blé, de l’avoine d’une part et l’élevage de bovins destinés à la boucherie d’autre part.

L’ingénieur Houel suit les pas de son patron et mentor Jean François Cail qui quelques années plus tôt s’est lancé dans cette aventure capitaliste et généreuse : celle d’apporter à l’agriculture les idées et les perfectionnements de l’industrie. Dans le cadre de son travail, Houel côtoie des inventeurs, des architectes, des ingénieurs, des techniciens et des dessinateurs qui l’aident et dessinent pour lui les pièces, des machines, les parties de bâtiments de cette entreprise personnelle. De nombreux plans sont signés du cachet de la société Cail, puis de la Société Fives-Lille, Les architectes qui ont été associés au projet sont les architectes parisiens Lacombe et Brulot et l’architecte alençonnais Coypel.

Cette double collection de plans était conservée dans la maison d’habitation de la ferme d’Avoise. Un jeu était destiné à être utilisé sur place et le second devait être conservé à Paris là où travaillait le plus souvent l’ingénieur propriétaire. En 1998, à l’occasion d’un inventaire sommaire du patrimoine lancé dans le pays d’Alençon, le propriétaire de la ferme a déposé aux Archives départementales de l’Orne la totalité des plans pliés et rangés dans d’épaisses liasses. En 2000, le Département de l’Orne s’est porté acquéreur de l’ensemble de ce fonds.