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- Conférence
10 mots pour un retour au jardin par Marco MARTELLA – Château de Bénouville
Selon les Romains, chaque espace était habité par une divinité mineure, un genius loci garant de sa singularité. S’installer dans un lieu, y bâtir, supposait un dialogue, une négociation avec le dieu. Comment faire en sorte qu’il demeure ? Pour les Anciens, le danger était d’habiter un monde dépourvu d’esprit et donc de sens. Aujourd’hui, les lieux se font rares. Banalisés, convertis en espaces fonctionnels, non-affectifs, on les traverse sans qu’aucun échange ne s’opère avec le décor qui nous entoure. Ainsi, ayant perdu le sens du lieu, dans le « monde désenchanté » dont parlait le sociologue Max Weber, l’homme divisé se coupe chaque jour un peu plus de la terre.
Le jardin, qu’il soit ancien ou moderne, princier ou ouvrier, utilitaire ou d’agrément, caché ou public, est un laboratoire. Depuis toujours, les hommes y expérimentent des manières d’être sur terre, entre nature et culture. Autrefois, il condensait des rêves de beauté idéale ou des cosmogonies. Désormais, il est avant tout un enclos de résistance. Parce qu’il échappe au marché, parce qu’on ne peut le consommer et qu’il nous met toujours en présence d’un lieu.
Marco Martella
En 2010, Marco Martella a fondé Jardins, revue annuelle publiée aux éditions du Sandre, qui explore le jardin dans sa dimension poétique et existentielle. Chaque numéro aborde un thème : le géniedu lieu, le réenchantement, le temps, l’ombre, le retrait. Parmi les auteurs qui ont collaboré à la revue, Gilles Clément, Bernard Lassus, Fernando Caruncho, Cristina Castel Branco, Carmen Añon Feliu, Roberto Penone. Il a publié des études et monographies sur les jardins du département des Hauts-de-Seine, où il est en charge de la valorisation du patrimoine vert. Il est également l’auteur d’un essai sur l’art des jardins Le Jardin perdu, ouvrage signé sous l’hétéronyme de Jorn de Précy, jardinier philosophe fictif du XIXe siècle, et traduit en italien sous le titre E il giardino creò l’uomo (Ponte alle Grazie, 2012).
A lire :
Le jardin perdu, Actes Sud, 2011